À quoi sert la culture ?

LOUVAINS

 

Délaissée en ces temps de crise, la culture est une priorité à l’UCLouvain qui accueille son 18e artiste en résidence et édite un nouveau journal, Traces. Mais à quoi sert la culture ?  

Un vecteur de création scientifique

À quoi sert la culture… en temps de crise ? « La culture souffre beaucoup, parce que jugée trop éloignée des besoins premiers, économiques et sociétaux. Le comble est qu’elle est un facteur très efficace de résilience et donc un puissant moyen de sortir de la crise », défend Ralph Dekoninck, conseiller du Recteur de l’UCLouvain pour la culture. « Elle n’est pas un luxe qui s’ajoute au bien-être économique et sanitaire, elle est vitale », plaide le professeur d’histoire de l’art. Avec, chaque année, un·e artiste en résidence, une saison culturelle, un soutien au Musée L, à la Ferme du Biéreau et au Théâtre Jean Vilar, l’UCLouvain a fait le choix d’investir dans la culture qu’elle considère comme un solide levier pour le bien-être, l’innovation et la créativité, y compris pédagogique et scientifique. 

Un journal tracera désormais de nouvelles voies à l’interface de la culture, de la recherche et de l’enseignement car « la culture n’est pas à côté des trois missions de l’université, elle est au cœur ». Son nom ? Traces

L’UCLouvain inaugure aussi un fonds pour la recherche-création (FRC). Cinq projets vont démarrer, dont celui d’un professeur attaché au Louvain Bionics* qui travaillera avec un artiste sur le vol des oiseaux. « La culture est un vecteur de création scientifique, poursuit le conseiller, et un moyen de communiquer sur la recherche. » Dès ce mois de septembre, en effet, L’UCLouvain et ARTS2, l’École supérieure des arts de Mons, réuniront des binômes composés d’un·e scientifique et d’un·e étudiant·e artiste. Objectif : expliquer de manière créative un sujet de recherche relatif à la transition sociétale et écologique. 

Dominique Hoebeke
Communication UCLouvain Bruxelles 

* Louvain Bionics, centre de recherche et d’innovation, entend améliorer l’assistance technologique au patient.

Tracer un horizon commun

« La culture sert à tracer un horizon commun pour faire société », avance Delphine Jenart, chargée de cours à l’UCLouvain FUCaM Mons. « C’est encore plus vrai aujourd’hui, à l’ère de la distanciation sociale, de la peur de l’autre et des réflexes de protection. » Pour l’ancienne directrice adjointe du Mundaneum (2010-2019), « faire l’expérience culturelle ou artistique, c’est se donner la chance de se projeter dans des imaginaires féconds qui nous donnent envie d’aller de l’avant quand tout effraie : le réchauffement climatique, les pandémies, les tensions sociales et communautaires... ». À l’inverse, remarque-t-elle, la culture permet aussi de « s’immerger dans nos racines et dans le patrimoine pour savoir d’où nous venons et pouvoir mieux nous projeter vers demain »

Le sens est fondamental. « Il faut investir du temps dans la recherche et la construction du signifiant, indispensable pour vivre ensemble et faire démocratie. » C’est plus vrai encore à l’heure du numérique qui, tel une révolution culturelle, transforme notre être au monde. Delphine Jenart estime aussi que la culture permet de partager avec l’autre par la voie du sensible. « On dévoile à l’autre ce qui nous constitue au plus profond. »

L’enseignante aime partager cette citation de l’architecte Le Corbusier avec ses étudiant·es : ‘La clé́, c’est : regarder, observer, voir, imaginer et créer.’ « Soyons les architectes d’imaginaires qui relient et donnent l’envie d’aller ensemble vers demain. » Et de plaider pour que les jeunes assument ce qui est pour eux culture. « Qu’ils se décomplexent et se rapprochent de ce qui les fait vibrer. » 

D.H. 

Delphine Jenart sera oratrice au TedX UCLouvain 2020 le 7 octobre prochain : > https://tedxuclouvain.com/2020/

Ubiquité

C’est juste avant le confinement que Marie Noble est devenue Commissaire générale de la Foire du livre de Bruxelles. En plus de superviser l’évènement majeur qui attire chaque année 72 000 visiteurs à Tour & Taxis, son rôle est de coordonner la série d’activités menées par l’ASBL à l’année longue, réunies sous la bannière ‘Objectif lire’, qui s’adressent à des publics dits fragilisés ou éloignés. Il s’agit de personnes issues de l’immigration, de personnes malvoyantes ou encore de détenu·es par exemple. Les jeunes aussi sont visé·es, au travers d’actions dans les écoles. 

« En fait, c’est une démarche de cohésion sociale », explique Marie Noble. Elle qui est investie depuis 20 ans dans le secteur, y compris dans ses dimensions politiques, témoigne du rôle essentiel joué par la culture : « C’est une formidable opportunité d’émancipation, elle donne du pouvoir aux gens ». Le livre, en particulier, offre une possibilité d’envol. « Pour citer Mona Ozouf que j'aime beaucoup, la lecture nous pourvoit de dons que nous n'avons pas. Elle nous pourvoit immédiatement du don d’ubiquité. On peut vivre d’autres vies, voyager dans la géographie et dans l’histoire et poser autant de regards sur le monde pour mieux le comprendre, l'accepter, s'en libérer. » Marie Noble fait d’ailleurs remarquer à quel point la lecture a été une activité importante pour le public pendant le confinement, qui a suscité de nombreuses publications sur les réseaux sociaux notamment. « La culture est inhérente à notre être », conclut-elle. 

Dans le contexte actuel, le caractère essentiel de la culture doit être rappelé. L’édition 2021 de la Foire du livre de Bruxelles se prépare quoi qu’il arrive avec un objectif intouchable : la rencontre entre public et auteurs. 

François Delnooz
Chargé de communication et de projets 

Article paru dans le Louvain[s] de septembre-octobre-novembre 2020