Droit et justice: des pépites numérisées

Une collection de 733 imprimés juridiques anciens est accessible en ligne. Leur contenu n’est pas si éloigné de ce que nous vivons aujourd’hui. Une aubaine pour les scientifiques.

Réalisé grâce à un scanner ultra performant, le projet baptisé Imprim@Lex témoigne d’une conversion digitale exemplaire. La réserve précieuse des bibliothèques de l’UCLouvain regorge d’ouvrages anciens d’une valeur inestimable. Ils sont gardés précautionneusement dans un lieu quasi secret. Parmi ces trésors, une collection composée de 733 imprimés datant des 16e et 17e siècles. Des actes législatifs, les premières ordonnances imprimées modernes, des pamphlets politiques, etc. Un patrimoine exceptionnel pour les chercheuses et chercheurs désormais accessible depuis le monde entier.

Voyage dans le temps

« Ces imprimés nous permettent de comprendre comment le droit et la justice se sont construits dans la durée, en même temps que l’État », explique Xavier Rousseaux, directeur du Centre d’histoire du droit et de la justice de l’UCLouvain. « L’Université de Louvain, qui aura 600 ans en 2025, existait à l’époque où ces textes ont été produits mais pas l’État belge. Ce sont des pépites qui nous font voyager dans le temps. Les ordonnances criminelles du Duc d’Albe par exemple permettent une évocation de la justice telle qu’elle était pensée en 1570. Certaines mesures de l’époque sont aujourd’hui choquantes, comme la torture ou la peine de mort. Que serait-il arrivé au citoyen au temps du Duc d’Albe s’il n’avait pas porté son masque ? », questionne l’expert avec un brin d’humour.

Fêtes patronales et 24h vélo

La réglementation des fêtes patronales s’est également développée à ce momentlà. « Une série d’ordonnances interdisaient la circulation à certains endroits. On retrouve ce type de mesures aujourd’hui dans le cadre d’évènements comme les 24h vélo de Louvain-la-Neuve. » Les imprimés scannés représentaient en outre des instruments de communication politique. « Ils sont des témoins uniques du savoir-faire de l’époque en matière de typographie mais ils nous apprennent aussi beaucoup sur la façon dont les gouvernants communiquaient avec les gouvernés durant cette période », commente Nicolas Simon, attaché scientifique à l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique et collaborateur scientifique UCLouvain.

Passeport et pass sanitaire

Grâce au soutien du FNRS, l’opération de numérisation a été réalisée en très haute défini tion. Dorénavant , tout le monde peut consulter les documents d’époque depuis son ordinateur. Un progrès considérable pour la recherche. « Sur notre vitrine numérique ‘Dial.num’, nous avons développé et mis en ligne des outils qui permettent une manipulation des images la plus performante possible », explique Emilie Vilcot, responsable de la réserve précieuse de l’UCLouvain. À l’heure actuelle, les bibliothèques ne sont plus considérées uniquement comme des endroits où l’on conserve des livres. Elles s’ouvrent et évoluent.

« Quand Gutenberg inventa l’imprimerie au 15e siècle, c’était une révolution pour les gens. L’information allait être diffusée largement de façon mécanique », note Xavier Rousseaux. Le procédé a notamment permis aux autorités de contrôler davantage les déplacements des populations via le passeport imprimé. « Maintenant les citoyens doivent présenter un pass sanitaire sous forme de code QR. L’outil de contrôle est dématérialisé mais il conserve l’aspect du caractère d’imprimerie en noir et blanc », constate l’expert. « Nous vivons une autre révolution, numérique cette fois. Elle nous impose de nouvelles manières de faire. » En modernisant la gestion de son patrimoine, l’UCLouvain s’inscrit dans le mouvement de l’Open Science. La mondialisation des connaissances est une des priorités de l’université à l’horizon de son 600e anniversaire.

Anne Mauclet
Communication recherche

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