'Eau'totest en papier

LOUVAINS

Quelques gouttes déposées sur un petit capteur, un résultat dans les secondes qui suivent : si le procédé est connu et la méthode éprouvée, l’idée de Grégoire Le Brun n’en reste pas moins révolutionnaire.

Voici bientôt trois ans, cet ingénieur en nanotechnologies et biotechnologies, doctorant à l’Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics de l’UCLouvain, s’est lancé un défi aussi complexe que passionnant : mettre au point un autotest destiné à analyser et à contrôler la qualité de l’eau. « Dès le départ, mon idée était double, explique-t-il. Je voulais travailler sur une solution électronique rencontrant les objectifs de développement durable mais aussi effectuer une recherche dotée d’un impact sociétal fort. »

Pour minimiser les couts (tant écologiques qu’économiques) de ce capteur, Grégoire Le Brun, de l’École polytechnique de Louvain, a choisi d’utiliser le papier comme matériau de base. « Le papier possède de nombreux avantages : il est peu cher, il rend les capteurs passifs en énergie et il a un impact relativement faible sur l’environnement », poursuit le chercheur. Il a donc opté pour un papier en nitrocellulose, un dérivé de la cellulose aux propriétés biologiques intéressantes, capable notamment de capturer les bactéries.

Le principe des autotests développés par Grégoire Le Brun est particulièrement simple et sensiblement identique à celui des tests de grossesse ou des désormais célèbres autotests covid : quelques gouttes d’eau sont versées sur le capteur et le résultat s’affiche quelques secondes plus tard grâce à une mesure électromagnétique. « L’objectif de nos recherches actuelles est essentiellement de rendre ces tests de l’eau aussi fiables que les méthodes de biologie classique ou les imposants appareils de mesure électroniques, explique le doctorant. Le but, c’est que ces capteurs assurent un important gain de temps, en plus d’une évidente économie financière. »

Si cette technique peut aujourd’hui déterminer la qualité biologique de l’eau, en détectant la présence de bactéries et d’agents pathogènes, elle pourrait tout aussi bien permettre d’évaluer la dureté de l’eau ou sa teneur en pH ou en ions. « Ces capteurs doivent faciliter l’accès à l’information sur la qualité des eaux pour les populations ou les entreprises installées dans des zones industrialisées, des régions reculées, voire des pays défavorisés, afin de réduire les risques sanitaires associés au cycle de l’eau », précise Grégoire Le Brun qui pense que son procédé pourrait, à terme, être proposé à la vente au grand public. « Cependant, l’information sur la qualité de l’eau est une donnée sensible : il faut donc que l’accès et l’utilisation de ces capteurs soient régulés afin d’éviter toute utilisation détournée et pour garantir un impact positif de la technologie sur la société. C’est pour cette raison que nous avons pris en compte ces questions dès le début de nos recherches. »

En attendant d’être commercialisés, les capteurs quitteront, dans les prochaines semaines, le confort des laboratoires de l’UCLouvain pour être testés dans des conditions réelles. Plusieurs organismes (publics et privés, liés notamment à la recherche, à l’environnement ou aux biotechnologies) ont déjà fait part de leur grand intérêt pour ces recherches innovantes.

 

uclouvain.be/autotest-papier-qualite-eau

La Fondation Roi Baudouin a elle aussi été convaincue par les travaux de Grégoire Le Brun : elle lui a attribué en décembre 2021 le prix Ernest du Bois, d’une valeur de 20 000 €. Ce fonds soutient les jeunes doctorant·es qui s’intéressent aux enjeux de la disponibilité de l’eau dans le monde. « Ce prix est un atout formidable dans la poursuite des recherches vers le développement de capteurs utilisables en conditions réelles, notamment en soutenant l’acquisition d'équipements de recherche pour l’ensemble de l’équipe mobilisée sur ce projet », se réjouit le jeune chercheur.

Pierre-Alain Belpaire  
Attaché de presse UCLouvain

 

LouvainS : Mars 2022

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