Le chocolat détruit-il les forêts d'Afrique de l'Ouest?

LOUVAINS

En Côte d’Ivoire, premier producteur mondial, plus de 55 % des exportations de cacao sont intraçables, s’alarment des scientifiques de l’UCLouvain.

La filière du cacao est confrontée à un manque criant de traçabilité et de transparence, tout en étant l’un des principaux facteurs de la déforestation en Afrique de l’Ouest, pointe une étude publiée par Environmental Research Letters. Selon les données collectées par des scientifiques de l’UCLouvain à propos de la Côte d’Ivoire, disponibles en libre accès sur Trase, moins de 45 % des exportations de cacao peuvent être tracées jusqu’aux coopératives de producteurs. L’origine des 55 % restants est inconnue : les négociants s’approvisionnent indirectement auprès d’intermédiaires ou ne divulguent pas d’informations sur leurs fournisseurs.

Or, la culture de cacao est le principal moteur de la déforestation en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, qui retire un tiers de ses revenus à l’exportation de cette activité. Selon cette étude, entre 2000 et 2019, les cacaoyères ont remplacé 2,4 millions d’hectares de forêt, provoquant 45 % de la déforestation du pays sur ces 20 années. De plus, en 2019, 25 % des cacaoyères se trouvaient dans des forêts classées et des aires protégées, ce qui reflète la faible application des lois de protection de ces terres.

Europe chocolat

Si de grands fabricants de chocolat se sont engagés dans des politiques de zéro déforestation, la plupar t des engagements visant à atteindre une traçabilité à 100 % ne concernent que les achats directs. « Les négociants achètent des volumes importants – parfois la majeure partie de leur cacao – auprès d'intermédiaires locaux, sans savoir auprès de qui ceux-ci s'approvisionnent », explique Cécile Renier, chercheuse à l’Earth and Life Institute de l’UCLouvain et coordinatrice de l’étude.

Les Européens, les plus grands consommateurs de chocolat au monde, contribuent donc involontairement à la déforestation en Afrique de l’Ouest. En 2019, selon les scientifiques, les importations de l’Union européenne et du Royaume-Uni étaient associées à 838 000 ha de déforestation entre 2000 et 2015…

Il faut aller au-delà de la traçabilité et « le secteur doit investir dans des initiatives à l’échelle des territoires, en soutenant les producteurs tout en assurant une protection efficace des forêts », suggère la chercheuse.

Ugo Petropoulos
Attaché de presse UCLouvain

 

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