Partir du bon pied

LOUVAINS

focus

Comment aider les jeunes à franchir au mieux le passage du secondaire à l’université ? Depuis 25 ans, le taux d’échec en première année en Fédération Wallonie-Bruxelles est élevé. Pourtant, « réduire la réussite à l’acquisition de crédits serait une erreur », estime Mikaël De Clercq qui a fait de la question son domaine de recherche. Une certitude : les facultés de l’UCLouvain ne manquent ni d’idées ni d’enthousiasme pour conduire les jeunes sur le chemin de la réussite… et de leur épanouissement.

Ce passage si complexe du secondaire à l'université

Chargé de cours invité à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UCLouvain, chercheur référent à l’ARES, Mikaël De Clercq a fait de l’analyse du processus de réussite entre le secondaire et le supérieur son domaine de recherch.

Pourquoi l’accompagnement à la réussite à l’entrée de l’enseignement supérieur est-il si important en Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Cet enjeu n’est pas neuf. Cela fait plus de 25 ans que le taux d’échec en première année se situe à un niveau anormalement haut, autour des 60 %, alors que le nombre d’étudiant ·es a connu une forte croissance. Le cout de ces échecs est très élevé pour la société, mais aussi pour les jeunes et leur famille, tant financièrement que psychologiquement.

Notre système d’accès très ouvert est-il en cause ?

Ce qui est en cause, c’est le fait que notre système cumule une grande liberté de choix avec une hétérogénéité de préparation à ce choix. L’étudiant·e a beaucoup d’options au sortir du secondaire mais il ou elle n’est pas toujours bien accompagné·e pour poser un choix d’études éclairé. En outre, cette transition est un moment très complexe. La transition du secondaire vers le supérieur n’est pas que scolaire, elle est aussi personnelle, développementale. Elle représente l’entrée dans l’âge adulte où il faut gagner en autonomie, organiser sa vie, se construire un nouveau réseau social, ... C’est un apprentissage difficile pour beaucoup de jeunes.

Au coeur de la problématique, il y a la réussite. Quelle en est votre définition ?

Réduire la réussite à l’acquisition de crédits serait une erreur. Il faut être performant, bien sûr, mais aussi s’épanouir dans son nouvel élément, être motivé par son apprentissage et pouvoir raccrocher ses études à un projet professionnel construit. Quels sont les facteurs qui déterminent cette réussite ? Le bagage d’entrée de l’étudiant ·e est clairement en tête des facteurs qui influencent la réussite. J’entends autant les connaissances acquises dans le secondaire que la maturité du choix d’études. D’autres variables jouent de manière indirecte, en première année : l’acquisition de la confiance en sa capacité à réussir (un prédicteur très important), l’engagement concret dans ses études et la capacité à travailler de manière efficace et à remettre en question ses stratégies d’apprentissage.

Ceci dit, nos études montrent que l’étudiant·e ne contrôle qu’environ 35 % de sa réussite. D’autres facteurs lui échappent : les caractéristiques du cours (taille de l’auditoire, pression temporelle, type d’évaluation...) et aussi l’enseignant·e dont le pouvoir d’action porte sur la place laissée à l’étudiant·e dans son apprentissage, la clarté du cours (objectifs et attentes), le sens du cours et le climat de classe, qui doit être bienveillant et porteur. Son rôle est central.

Pour quel type d’accompagnement plaidez-vous ?

Je plaide pour une combinaison de pratiques : un accompagnement ciblé et ponctuel pour régler un problème précis – gestion du stress, prise de notes, méthodologie, etc. –, un autre plus long dans le temps – type blocus encadré – pour travailler sur différents aspects de la réussite, et un suivi individualisé (type tutorat ou buddies) qui permet aux étudiant·es de parler de leurs difficultés à des référent·es.

Pierre Escoyez
Communication publics internationaux et institutionnelle

Un décret très 'réussite'

La question de la réussite est au coeur du nouveau décret organisant l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il réforme le décret dit ‘paysage’ en vigueur depuis septembre 2014 et entrera en application à la prochaine rentrée.
Comme le relève Mikaël De Clercq, le décret paysage a introduit de la confusion autour de la réussite en première année : « Beaucoup d’étudiant·es en sont arrivé à considérer que réussir sa première année, c’est obtenir 45 crédits sur 60. Résultat : il n’est pas rare de trainer pendant des années, parfois même jusqu’au master, des lacunes apparues dès le début du cursus. »
Le nouveau décret donne moins de latitude à l’étudiant·e mais est plus contraignant pour les universités et les hautes écoles. À l’étudiant·e, il impose que les 60 crédits de la première année soient acquis en deux ans maximum, que les 120 premiers crédits soient acquis en quatre ans et que le bachelier complet (180 crédits) soit bouclé en cinq ans.
Quant aux établissements, ils se voient contraints, d’une part, de développer un plan stratégique d’accompagnement de la réussite, et d’autre part, de proposer des activités de remédiation aux étudiant·es les plus en difficulté (ceux qui n’auront pas validé leurs 45 crédits). Ils recevront pour cela des moyens supplémentaires. P.E.

Opération buddies

Entre étudiants, on se comprend !

Draime dallemagne« Nous nous attendions à une vingtaine de participant·es par atelier ; il y en a eu finalement 150… » Amandine Draime et Matthew Dallemagne, conseillère et conseiller pédagogiques pour le secteur des sciences de la santé, n’en reviennent toujours pas du succès remporté par la première édition de l’opération Buddies en Faculté des sciences de la motricité (FSM).

Des pairs sélectionnés

Les Buddies, ce sont ces étudiant ·es qui, après sélection et formation, accompagnent vers la réussite leurs collègues de première année du bachelier. Cette initiative mise en place au sein de l’université séduit de plus en plus de facultés, qui la concrétisent chacune à leur façon.

En FSM, cinq Buddies ont été engagés en septembre dernier : Paul, Benjamin et Valentine pour des cours précis (anatomie, chimie et activités sportives), Bekzod et Lucie pour l’encadrement des étudiant·es redoublant.

« Nous avons été épatés par leur engagement », s’enthousiasment les deux conseiller·es. « Tous les cinq se sont beaucoup investis dans la préparation de leurs activités, ont été fréquemment en contact avec les professeurs et ont fait preuve d’une belle créativité (en organisant par exemple des quizz). Les étudiant·es bénéficiaires ont également bien joué le jeu et se sont dit heureux de l’expérience. »

Une grande liberté

Bref, un succès sur toute la ligne qu’Amandine Draime et Matthew Dallemagne attribuent avant tout à la grande liberté laissée aux Buddies dans l’animation de leurs séances. « Rien de tel que des étudiant·es pour parler à d’autres étudiant·es. » D’autres facteurs, comme le soutien des professeur·es concerné·es et une bonne communication entre les conseiller·es et les Buddies ont contribué à la réussite de l’expérience. À poursuivre l’an prochain ! P.E.

 

L’Université, ça s'apprend

Pour accompagner au mieux la transition entre l’enseignement secondaire et l’université, les facultés de l’UCLouvain ne manquent pas d’idées. Voici deux exemples concrets.

FIAL 4 SUCCESS

En Faculté de philosophie, arts et lettres, l’équipe pédagogique organise des séances de monitorat pour apprendre le métier d’étudiant. Mais, désireux de proposer également des ressources disponibles 24/24, Vincent Gabriel et Cécile Leblanc ont lancé FIAL 4 SUCCESS, un podcast vidéo visible sur YouTube.

Au cours des 7 épisodes, l’étudiant·e découvre 1 001 conseils pour acquérir les bons réflexes et viser la réussite. Gérer son temps, prendre note au cours, étudier efficacement, organiser son blocus, maitriser son stress… autant de thématiques abordées de manière décomplexée et empathique. Verdict ? « Les étudiant·es apprécient cet équilibre entre humour et conseils », confirme Vincent Gabriel. FIAL 4 SUCCESS fait aujourd’hui partie des outils d’aide à la réussite les plus utilisés au sein de la faculté. Dans le futur, l’objectif est aussi d’utiliser ce podcast pour dynamiser les monitorats, sur le principe d’une classe inversée, et d’enregistrer de nouveaux épisodes thématiques.

Pauline Volvert
Chargée de communication interne

Décollage

En pleine crise sanitaire, des élèves du secondaire se sont retrouvés privés de cours, loupant parfois des semaines entières de matière. Or, à la veille de se lancer dans des études scientifiques, un bagage solide en physique, chimie et biologie, c’est la base !

Forts de ce constat, la Faculté des sciences et le Secteur des sciences et technologies ont d’abord lancé le projet ‘Écolage’, un outil QCM qui permettait de diagnostiquer les lacunes des étudiant·es et de leur proposer des exercices ciblés. Mais très vite, son côté rébarbatif a amené l’équipe à réfléchir à une nouvelle approche. C’est là qu’est né ‘Décollage’, un serious game qui les fait voyager dans l’espace ! « Amener la remédiation dans l’univers du jeu permet d’accrocher les jeunes jusqu’au bout. Ils doivent manipuler des personnages, il y a un côté plus ludique et plus actif », explique Chantal Poncin, directrice administrative de la faculté.

Après cette étape de diagnostic ludique, la plateforme propose une remise à niveau en toute autonomie en fonction des difficultés rencontrées. « Au plus tôt les futur·es étudiant ·es testent leurs connaissances via l’outil, au mieux ils s’orientent et se préparent à leur rentrée. » P.V.

> uclouvain.be/decollage

 

Qu'en pensent-elles·ils?

L’accompagnement à la réussite a fait l’objet d’un récent sondage auprès des étudiant·es* de l’UCLouvain, mené par l’Assemblée générale des étudiants de Louvain (AGL). Trois souhaits se dégagent en particulier.

Le premier : les dispositifs d’accompagnement à la réussite sont de bonne qualité (près de neuf sur dix, parmi celles et ceux qui en ont bénéf icié, se disent satisfait·es), mais la communication pourrait être plus claire, plus dynamique, et surtout, répétée tout au long de l’année. « La prise de conscience ne se fait pas au même moment au cours de l’année académique », note le rapport de l’AGL. À cet égard, les semaines qui suivent les sessions sont pointées comme des moments clés de la communication.

Deuxième souhait : l’enseignant ·e doit assumer un rôle central dans l’accompagnement à la réussite et ce, de deux façons. « Ils et elles doivent être le premier canal de communication vers les étudiant·es concernant les dispositifs d’accompagnement à la réussite », souligne l’AGL. Ensuite, leurs attentes doivent être les plus claires possible. Elles sont souvent mal comprises, en par ticulier en première année du bachelier. Elles doivent être précises et rappelées plusieurs fois au cours de l’année. 

Les étudiant·es plaident pour des feedbacks réguliers au sein des cours, par exemple au travers de tests blancs ou des ‘mini-sessions’ en milieu de quadrimestre. Plus généralement, l’intégration de l’accompagnement à la réussite au sein même des cours et des programmes est une idée fortement promue par les bénéficiaires.

Troisième demande : l’aide à la réussite doit aussi s’adresser aux étudiant·es des années qui suivent le 1er bac, master compris, et veiller à répondre aux besoins spécifiques de catégories comme les étudiants internationaux et les adultes en reprise d’étude. P.E.

 * Enquête menée auprès de 1 424 étudiant·es en août-septembre 2021 et novembre 2021-janvier 2022.

LouvainS : Juin 2022

  • Partir du bon pied
  • A-t-on raison d'avoir peur?
  • Promouvoir la santé en prison