Cahiers du CERDHO

Louvain-La-Neuve

Nous entretenons des liens étroits avec le Centre droits de l’homme et droit international humanitaire de l’Université catholique de Bukavu. Nous relayons ici leurs cahiers mensuels.

Le CERDHO est un centre de recherche spécialisé en droits de l’homme et en droit international humanitaire. Il fonctionne en tant qu’une unité de recherche au sein de la faculté de droit de l’Université catholique de Bukavu. Dans ses activités de recherche, le CERDHO rédige ses Cahiers en vue de présenter quelques arrêts d’une juridiction nationale ou internationale dans ses domaines de recherche, à savoir le droit international humanitaire ou les droits de l’homme.

Juillet 2023

1. Cour constitutionnelle, R. Const 624/630/631, 30 mars 2018
L’interprétation rétrogressive de la Cour constitutionnelle du droit à l’égalité et à la participation aux affaires publiques

L’affaire sous analyse concerne les contestations soulevées par l’amendement de 2017 à la loi électorale de 2006. Cet amendement institue le seuil électoral légal de 1 % pour les candidats et les listes en lice pour l’Assemblée nationale. Au niveau provincial, il fixe le seuil à 3 % pour les candidats et les listes des provinces pour gagner un siège dans les assemblées provinciales. La présente note analyse l’approche formaliste du droit à l’égalité adoptée par la Cour constitutionnelle congolaise ainsi que son interprétation rétrogressive des droits de l’homme quant à l’exigence d’un seuil électoral obligatoire qui exclut de facto les candidats indépendants.
Élections — Égalité — seuil électoral — Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

2. Tribunal militaire de Garnison (TMG ci-après) de Bukavu, RP-1213/07, Auditeur militaire de Garnison de Bukavu, ministère public et Parties civiles M.N. et Mme M.M. c/le prévenu B.P.N.
Délit d’imprudence et droit des victimes à la réparation

Dans le dossier enrôlé sous le RP — 1213/017, le Tribunal militaire de Garnison (ci-après le TMG) de Bukavu est saisi de la prévention des coups et blessures aggravés ainsi que de celle du meurtre, commis à l’encontre de deux individus appartenant aux peuples autochtones pygmées. L’affaire met en jeu le droit à la vie et à l’intégrité physique, que le tribunal entend protéger. Après avoir condamné les prévenus pour la prévention des coups et blessures aggravés, le Tribunal dit non établie l’incrimination de meurtre en raison de l’absence de l’élément moral ou intentionnel. À ce titre, le juge prive les parties civiles d’une importante réparation à la suite du dommage subi après le décès de leurs membres. Le présent commentaire examine le raisonnement du juge à l’aune du droit international et du droit pénal congolais. Il s’ensuit un déphasage avec les principes de droit pénal et l’esprit du droit des victimes à la réparation.
Coups et blessures aggravés — meurtre — droit à la vie — réparations — victimes — peuples autochtones — art. 258 et 259 du Code civil livre III.

3. Cour Militaire du Sud-Kivu, RP n° 0138/020, RMP 2416/MAK/021, Jugement du 21 septembre 2021, ministère public et quatre — vingt-huit parties civiles contre le capitaine C. M. et le major M. B.
Vers le développement d’un critère d’appartenance à la catégorie des peuples autochtones

Dans son arrêt RP n° 0138/020, la Cour militaire du Sud-Kivu condamne un prévenu pour violation d’une aire protégée sans lui reconnaitre des circonstances liées à l’appartenance à la communauté des peuples autochtones conformément à sa jurisprudence antérieure. La Cour semble exclure dans son raisonnement une telle approche. La présente note examine la conformité de cette décision à la jurisprudence de la Cour établie depuis l’affaire Kasula.
Droits de l’homme — expropriation — écologie — bien commun — Art 46 al.2.2 de la Loi n° 14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature.

Janvier 2021

1. Supreme Court of Appeal of South Africa Judgement, Case N°185/2018, 19 December 2018, In the matter between: The Refugee Appeal Board (First appellant), the Director-General, Department of Home Affairs (Second Appellant), the Minister of Home Affairs (Third appellant) v Paul Joseph Mutombo Mukungubila (Respondent)
La preuve en matière d’exclusion du statut de réfugié pour crime contre la paix et crime grave de droit commun : « les raisons sérieuses de penser », un standard de preuve inédit ?

Par sa décision du 30 juin 2014, le Refugee Status Determination Officer rejette la demande d’asile de Monsieur Paul-Joseph Mutombo Mukungubila en Afrique du Sud, au motif qu’il a commis des crimes contre la paix et des crimes graves de droit commun dans son pays d’origine, la République démocratique du Congo. La Supreme Court of Appeal of South Africa, siégeant au degré d’appel, déclare non fondée la décision du Refugee Status Determination Officer, pour avoir fondé sa conviction sur des sources d’information obscures et sur de simples soupçons. Dans son raisonnement, la Cour, appelée à interpréter et à appliquer la section 4 (a) et (b) du Refugees Act 130 de 1998 et l’article 1 F de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés sur les clauses d’exclusion, situe la norme des « raisons sérieuses de penser » au-delà d’une simple balance de probabilités. Ce commentaire démontre que ce standard de preuve est inédit et se démarque des standards de preuve pénale et civile.
Raisons sérieuses de penser — exclusion — statut de réfugié — standard de preuve inédit – balances des probabilités.

2. Tribunal militaire de garnison de Bukavu, RP N° 1448/19, 12 novembre 2019, Ministère public et parties civiles c/ MASUDI ALIMASI Fréderic alias KOKO-DI-KOKO et consorts
La prise en compte de l’obligation de protéger dans la répression du viol par le juge militaire
Par son jugement du 12 novembre 2019, le tribunal militaire de garnison de Bukavu (ci-après TMG/Bukavu) condamne le prévenu Masudi Alimasi alias KOKO-DI-KOKO pour plusieurs infractions parmi lesquelles le crime contre l’humanité par viol (10 ans de servitude pénale). En plus de sa responsabilité pénale, le Tribunal le condamne in solidum avec l’État congolais à payer aux parties civiles un montant équivalent en Francs congolais de l’ordre de 875 000 $. Pourtant, le prévenu a agi à titre personnel et non comme un organe de la RDC. Le présent commentaire examine les motivations du juge ayant conduit à l’établissement de la responsabilité de l’État congolais pour les faits supposément commis par les particuliers.
Tribunal militaire de garnison de Bukavu — matière pénale — responsabilité de l’État — obligation de protéger — art. 7 du statut de Rome — art. 259 du Code civil livre III.

3. Tribunal de paix de Bukavu, RP 3386/ III, 30 septembre 2020, Ministère public et partie civile Théo NGWABIDJE KASI contre prévenu HERI KALEMAZA Nicodème
Quand le Tribunal omet de prendre en compte les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains et l’interprétation éponyme des organes attitrés
Par son jugement RP 3386/ III du 30 septembre 2020, le Tribunal de paix de Bukavu a dit établi tant en fait qu’en droit l’infraction d’imputation dommageable retenue à charge du prévenu HERI KALEMAZA Nicodème en concours idéal, dans une intention unique, celle de saper l’honneur et la considération du gouverneur de province du Sud-Kivu, partie civile, Théo NGWABIDJE KASI. Pour ce faire, le Tribunal condamne le prévenu à l’unique peine de 250 000 francs congolais d’amendes payables dans le délai légal ou à défaut, il subira 15 jours de servitude pénale subsidiaire. Le raisonnement du Tribunal qui aboutit à cette condamnation soulève par ailleurs quelques observations au sujet de la liberté d’expression et l’interprétation qui découle de la jurisprudence des organes de contrôle en ce qui concerne les critiques à l’égard des personnalités publiques du domaine politique. Le présent commentaire l’examine.
Tribunal de paix de Bukavu — liberté d’expression — imputation dommageable — personnalités publiques du domaine politique — Comité des droits de l’homme — Observation générale n° 34.

 

Août 2020

1. Cour Constitutionnelle, arrêt R. Const. 1.200 du 13 avril 2020, Requête du président de la République en appréciation de la conformité à la Constitution de l’Ordonnance n° 20/014 du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de COVID-19
Juge constitutionnel et libertés constitutionnelles : Les espoirs déçus d’un Leading Case sur l’état d’urgence

Par son arrêt R. Const. 1.200 du 13 avril 2020, la Cour constitutionnelle, vérifiant la conformité à la Constitution de l’Ordonnance proclamant l’état d’urgence sanitaire, se refuse d’en examiner le caractère approprié, nécessaire et proportionné dans le contexte de la RDC. Subsumant la situation congolaise sous une métrique commune à celles étrangères relativement à la pandémie de la COVID-19, le raisonnement de la Cour fait échos à un mimétisme non contextualisé pour justifier du bien-fondé de l’instauration d’un régime d’exception aux libertés constitutionnelles dont elle est garante. D’où l’intérêt de s’interroger sur la pertinence de pareille démarche à l’aune du régime de dérogation aux droits admis en droit international des droits humains.
Cour constitutionnelle — libertés fondamentales — état d’urgence sanitaire — proportionnalité – gravité — art. 85 de la Constitution — art. 4 PIDCP

2. Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, requête n° 044/2019, arrêt du 15 juillet 2020, Suy BIGOHORE EMILE et autres c. République de la Côte d’Ivoire
Du caractère indépendant et impartial de l’organe électoral comme gage de fiabilité du processus électoral : quelle leçon pour la République Démocratique du Congo ?

Par son arrêt rendu le 15 juillet 2020, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après Cour africaine) condamne la République de la Côte d’Ivoire pour violation de l’article 17 de la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance (CADEG) et l’article 3 du Protocole de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest sur la démocratie et la bonne gouvernance (Protocole de la CEDEAO sur la démocratie). La Cour lui reproche de ne s’être pas pleinement acquittée de son obligation de créer un organe électoral indépendant et impartial. Cette pédagogie de la Cour trouve toute son application dans le contexte actuel de la RDC, marqué par de multiples controverses autour de la désignation de la personne appelée à présider l’organe électoral.
Cour africaine des droits de l’homme — organe électoral indépendant et impartial — art. 17 CADEG — art. 3 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie

3. CCJA, arrêt n° 103/2018, 26 avril 2018, MBULU MUSESO c/ la Société des Grands Hôtels du Congo (SA) et consorts
Saisies et voies d’exécution, une nouvelle face cachée du droit à un procès équitable

Le droit à un procès équitable comporte plusieurs garanties parmi lesquelles le droit à l’exécution. La législation OHADA s’inscrit dans cette logique à travers l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution. Cet Acte consacre des voies d’exécution ayant pour objet de garantir l’exécution d’une décision. Mais, pour motif d’intérêt général, ce droit connait des restrictions à cause de l’immunité d’exécution qui soustrait ces bénéficiaires de toute voie d’exécution.
En effet, l’article 30 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution consacre non seulement le principe d’immunité dont l’interprétation peut conduire à une extension des bénéficiaires, mais aussi devenir pour ces derniers une sorte de « passe-droit de ne pas payer leurs dettes ». Il se dégage une certaine ambiguïté.
De telles conséquences légitiment la violation de certains aspects du droit à un procès équitable, en l’occurrence, le droit à l’exécution au point d’en faire un droit fantôme. Le caractère fondamental du droit à l’exécution comme un passage vers l’aboutissement du droit à un procès équitable est attesté de manière implicite par la CCJA. Le revirement opéré par la CCJA, dans cette affaire, constitue ainsi un grand pas vers la protection du procès équitable dans l’ordre juridique OHADA.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage — procès équitable — droit à l’exécution — immunité d’exécution – art. 30 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution

 

Juillet 2020

1. Tribunal de grande instance de Kinshasa/Matete, Ordonnance n° 42/2020 statuant sur la demande de mise en liberté provisoire en appel de Vital KAMERHE, 15 avril 2020
Lorsque le juge cherche les motifs de détention en dehors de la loi et ne se prononce pas sur les motifs d’appel

Par ordonnance n° 1575/2020 du 10 avril 2020, le Tribunal de paix de Kinshasa/Matete ordonne le placement en détention préventive de l’inculpé KAMERHE LWAKANINGINYI Vital. Cette ordonnance fut entreprise en appel par l’inculpé devant le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Matete. Par ordonnance n° 42/2020 du 15 avril 2020, le Tribunal confirme le maintien en détention préventive de l’inculpé sus-identifié. Dans son raisonnement, les juges invoquent notamment la nécessité impérieuse de sécurité et le fait que la peine des travaux forcés est citée à l’article 5 du CPLI comme motifs de détention préventive. Le présent commentaire s’interroge sur la conformité de ces motifs aux prescrits des dispositions du Code de procédure pénale. Il ne traite ni de l’opportunité ni de la nécessité de placer ledit inculpé sous les liens de détention préventive.
Tribunal de grande instance — matière pénale — détention préventive — art. 27, 28 et 32 du Code de procédure pénale

2. Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe, RP 26931, procès du 11 mai, 25 mai, 3 juin, 4 juin, 11 juin 2020, ministère public et partie civile contre Samih JAMAAL, Vital KAMERHE, Muhima NDOOLE
Le monitoring de l’affaire dite de « 100 jours » à la lumière du principe du procès équitable

À travers une série d’audiences publiques télévisées, le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe instruit les charges reprochées aux prévenus Samih Jamaal, Vital KAMERHE et MUHIMA NDOOLE. La présente contribution examine la conformité de l’instruction menée par le Tribunal au regard du principe du procès équitable consacré par la Constitution et les instruments juridiques internationaux de protection des droits de l’homme.
Tribunal de grande instance — matière pénale — principe du procès équitable — art. 16 de la Constitution de la RDC — art. 14 PIDCP — art. 7 CADHP

3. Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe, RP 26931, 20 juin 2020, ministère public et partie civile contre Samih Jammal, Vital KAMERHE et Muhima NDOOLE
Quand le juge renverse la charge de la preuve dans le chef de l’accusé

Par son jugement du 20 juin 2020, le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe condamne les prévenus Vital KAMERHE, JAMMAL et MUHIMA NDOOLE pour plusieurs infractions parmi lesquelles le détournement des deniers publics. À la même occasion, le Tribunal ordonne la confiscation des biens des membres de famille du prévenu KAMERHE. Dans son raisonnement, le juge reproche aux prévenus de ne pas donner de justification solide, cohérente et incontestable pour démontrer leur innocence. Cette attitude contrevient à plusieurs principes de droit pénal parmi lesquels la présomption d’innocence. Le présent commentaire essaye de le démontrer en se focalisant sur deux éléments constitutifs de l’infraction de détournement (la qualité de l’agent et l’acte matériel) et l’une des peines prononcées (la confiscation).
Tribunal de grande instance — matière pénale — détournement des deniers publics — confiscation spéciale – art. 145 Code pénal livre II

 

Septembre 2019

1. Tribunal militaire de garnison de Bukavu, R.P.1213/017, jugement du 24 juillet 2018, Auditeur militaire de garnison de Bukavu Ministère public et Parties civiles MUNGANGA NAKULIRE et MAWAZO MUNA c. Prévenu BAHATI PILIPILI Nelly
Vers une reconnaissance des droits collectifs aux peuples autochtones et pygmées en République démocratique en Congo.

À défaut d’établir le meurtre, le Tribunal militaire de garnison (ci-après TMG) condamne un garde-parc pour l’infraction de coups et blessures par son jugement rendu en date du 24 juillet 2018. Le raisonnement du juge innove en deux points. Primo, la motivation du juge remet partiellement en cause le principe de la liberté de la preuve en matière pénale. Pour le tribunal, les éléments recueillis par la juridiction au cours de l’instruction en audience publique prévalent sur ceux recueillis au cours de l’instruction préjuridictionnelle. Secundo, le juge consacre des droits collectifs aux pygmées dans un obliter dictum. Selon le tribunal, le Parc national de Kahuzi-Biega est le milieu traditionnel des peuples autochtones pygmées qui y ont vécu plusieurs années avant d’en être chassés par l’État, et reste le milieu dans lequel se trouvent les produits vivriers et médicinaux pour ces peuples.
Tribunal militaire de garnison de Bukavu — matière pénale — administration de la preuve — droits des peuples autochtones — article 74 du Code de procédure pénale congolais

2. Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, requête n° 007/2013, arrêt du 4 juillet 2019, Mohamed ABUBAKARI C. République unie de Tanzanie. La portée des réparations accordées par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en cas de violation des droits de l’homme.
La réparation des préjudices est l’une des trois obligations qui incombent à un État responsable d’une violation des droits de l’homme. La portée de cette obligation a été dégagée par la jurisprudence internationale qui, partant du principe de la réparation intégrale des préjudices, fixe les modalités d’exécution de cette obligation à savoir la priorité de la restitution sur l’indemnisation, la détermination précise des titulaires du droit à la réparation, la détermination des préjudices indemnisables, l’indication des mesures de protection interne de l’indemnisation internationale ainsi que le réexamen ou la réouverture des poursuites. À travers l’analyse de l’arrêt le plus récent sur les réparations rendu par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples le 4 juillet 2019 dans l’affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie ainsi que ses arrêts antérieurs, il apparaît que cette juridiction régionale africaine des droits de l’homme a déjà intégré dans sa jurisprudence la plupart de toutes ces modalités. Il ne reste que le remboursement des frais et dépens dans la mesure où jusqu’à présent chaque partie doit supporter ses frais de procédure, certaines mesures de protection internes de l’indemnisation internationale à savoir l’immunité fiscale et l’insaisissabilité des sommes allouées au titre des réparations.
Pour respecter le principe de la réparation intégrale des préjudices admis de longue date dans la jurisprudence internationale et qui figure parmi les principes généraux de la réparation que la Cour africaine des droits de l’homme a déjà fixés dans sa jurisprudence, nous invitons cette juridiction à intégrer dans ses arrêts ces modalités qui restent.
Cour africaine des droits de l’homme — réparation des préjudices – dommage - articles 34.5 et 63 du Règlement d’ordre intérieur de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

3. CIRDI, affaire n° ARB/99/7, sentence arbitrale rendue le 9 février 2004, M. PATRICK MITCHELL (Demandeur) contre RD Congo (Défenderesse). La contribution au développement économique de l’État hôte comme critère autonome de la définition de l’investissement étranger direct.
Par sa décision du 1er novembre 2006, le comité ad hoc annule la sentence arbitrale rendue le 9 février 2004 dans l’affaire n° ARB/99/7opposant M. Patric Mitchell « Demandeur » à la République démocratique du Congo (RDC), « la défenderesse » et condamnant celle-ci pour expropriation à l’égard de l’investisseur. Pour le Comité, « M. Mitchell, citoyen des États-Unis, ne jouissait pas de la qualité d’investisseur, ce qui privait le tribunal de sa compétence au titre de l’article 25 de la Convention CIRDI ». Il reproche à la sentence arbitrale d’une part l’« excès de pouvoir manifeste » et, d’autre part, le « défaut de motifs ». Pour la première fois, le comité ad hoc détermine le critère autonome de qualification d’un investissement étranger permettant de déterminer sa compétence. Ce commentaire analyse la pertinence d’un tel critère pour justifier la décision du Comité.
CIRDI —arbitrage État-investisseur — procédure en annulation — excès de pouvoir — défaut de motifs — critère autonome de qualification d’un investissement — articles 25 et 52 (1) (b) et (e) de la Convention de Washington de 1965

Octobre 2018

1. HCM, arrêt RPA n° 140/18, 26 juillet 2018, Auditeur général des Forces armées de la République Démocratique du Congo, ministère public, et parties civiles contre le prévenu colonel BEKER DHENYO Jules. Quand les circonstances atténuantes constituent un moyen de soustraire l’accusé de sa responsabilité pénale pour crimes contre l’humanité
Par son arrêt RPA n° 140/18 en appel, la Haute Cour militaire disqualifie la condamnation du prévenu BEKER pour crime de guerre en crime contre l’humanité. Dans son raisonnement, la Haute Cour retient les circonstances atténuantes. Le présent commentaire s’interroge sur la conformité de ses motifs au Statut de Rome, d’une part, et au droit pénal congolais, d’autre part.
HCM – Matière répressive — circonstances atténuantes — art. 18 et 19 du Code pénal — art. 17 du statut de Rome

2. Cour Constitutionnelle, arrêt n° R.C.E. 0004/PR, 3 septembre 2018, BADIBANGA NTITA Samy contre Commission électorale nationale indépendante. La nationalité d’acquisition, une sous nationalité en droit congolais ?
La Cour constitutionnelle se prononce sur la décision d’irrecevabilité de la candidature de Samy BADIBANGA à l’élection du « Président de la République » pour défaut de nationalité congolaise d’origine. La Cour ordonne à la CENI de l’inclure sur la liste définitive des candidats. La Cour adopte un raisonnement donnant à penser que la nationalité d’acquisition est une forme de sous nationalité en droit congolais. Le présent commentaire se prononce sur la conformité d’un tel raisonnement par rapport aux engagements internationaux de la RDC.
Cour constitutionnelle — matière électorale — nationalité d’origine — nationalité d’acquisition – art. 103 de la loi n° 06/0006 du 9 mars 2006 – arts 1er et 44 de la loi n° 04/024 du 12 novembre 2004

3. HCM, arrêt n° 140/18, 26 juillet 2018, Auditeur général des FARDC (MP) et Parties civiles F1 à F103 contre le colonel BEKER DHENYO. Jules Protection des victimes et présomption d’innocence : un dilemme en cas des crimes graves
Le droit à un procès équitable, dans son volet « présomption d’innocence », revêt en RDC une valeur constitutionnelle. Il exige aussi bien le respect du droit de la défense que la protection des victimes et témoins. Cette conciliation n’est pas toujours aisée. L’affaire Beker en est une illustration récente. Après s’être longuement attardée sur ces mesures, la Haute cour militaire (ci-après H.C.M.) ne rencontre pas en appel le moyen du prévenu portant sur la violation de la présomption d’innocence. En outre, son raisonnement soulève plusieurs interrogations quant au sort dudit principe en appel. Le présent commentaire se propose de les étudier.
HCM —matière répressive — procès équitable — protections des victimes — crime contre l’humanité — responsabilité du chef militaire — arts 7 et 28 du statut de Rome

Septembre 2018

1. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, communication n° 302/05 – Maître Mamboleo M. Itundamilamba c. République Démocratique du Congo. Le principe de l’égalité des armes fait partie intégrante du procès équitable
Par sa décision adoptée lors de la 53e session ordinaire (9 au 23 avril 2013), la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après la commission) condamne l’État congolais pour violation des articles 7 (1) (a) et 7 (1) (c) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après la Charte). La commission reproche à la RD Congo d’avoir violé le principe de l’égalité des armes en privant au requérant l’opportunité de produire son dossier devant la section administrative de la Cour suprême de justice. Par ce raisonnement, la Commission adopte à une interprétation évolutive de la Charte et recours à un nivellement vers le haut du contenu de l’article 7.
Commission africaine — procès équitable — égalité des armes — art. 7 (1) (a) et 7 (1) (c) de la Charte africaine

2. Tribunal de commerce, jugement n° RPO 45, 2 novembre 2016, Mamboleo contre Société Pharmakina. Les hésitations du tribunal de commerce de Bukavu sur la valeur juridique des décisions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
Muni de la Communication 32/05, décision rendue par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire qui l’opposait à la RD Congo, Monsieur Mamboleo Mughuba Itundamilamba initie devant le tribunal de commerce de Bukavu (TRICOM) un contentieux de recouvrement d’honoraires dus par la société Pharmakina. Les observations qui suivent ont pour but de vérifier la « valeur d’usage » que les juges du TRICOM accordent à une décision de la Commission africaine. S’il faut le dire tout de suite, le TRICOM tâtonne en la considérant tantôt comme un simple titre de créance valant à des fins probatoires tantôt comme un titre exécutoire à part entière lui ouvrant automatiquement les voies d’exécution idoines sur le patrimoine de la société Pharmakina. Ces hésitations peuvent surprendre au premier abord. Néanmoins, ils ne font qu’illustrer le risque d’altération du droit à un procès équitable dans le paysage judiciaire congolais marqué par une banalisation des questions des droits de l’homme.
Tribunal de commerce — matière commerciale — exécution — injonction de payer — Art. 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution.

3. Tribunal pour enfants, Décision n° RECL 920/017, 30 mars 2017, X contre Y. Intérêt supérieur de l’enfant et motivation des décisions
En RDC, les comportements criminels des mineurs font l’objet de tout un système de justice spécialisée. Par sa décision du 30 mars 2017, le Tribunal pour enfants de Bukavu interprète les circonstances défavorables entourant la commission de manquement par l’enfant comme cristallisant son intention criminelle. Pourtant, l’oeuvre du juge se caractérise par l’absence de toute autre justification. Le présent commentaire interroge la pertinence d’une telle démarche au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’obligation de motivation des décisions.
Tribunal pour enfants — matière pénale — intérêt supérieur — obligation de motivation – individualisation du cas — art. 6, al. 3 de la loi portant protection de l’enfant — art. 21, al. 1, de la Constitution

Août 2018

1. CPI, Chambre d’appel, arrêt n° ICC-01/05-01/08, 8 juin 2018, Situation en République centrafricaine, Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, L’éloignement géographique, est-il un élément factuel ou un critère juridique pour appréhender la responsabilité du supérieur hiérarchique ?
Par sa décision du 8 juin 2018, la chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) acquitte Jean-Pierre Bemba des charges des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité pour lesquelles il avait été condamné à 18 ans de prison par la chambre de première instance en 2016, en tant que supérieur hiérarchique. Dans son raisonnement, la Chambre d’Appel se fonde sur l’éloignement géographique de Bemba par rapport au lieu de commission des crimes par ses troupes afin de justifier l’incapacité du supérieur hiérarchique à prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables aux termes de l’article 28, a), ii), du statut de Rome. Tout en soutenant les arguments évoqués par la Chambre d’appel sur la distinction entre chef militaire éloigné et chef militaire non éloigné, ce commentaire démontre que cette distinction est factuelle plutôt que juridique.
CPI – Crimes de guerre — crimes contre l’humanité – éloignement géographique — art. 28, a), ii), du Statut de Rome

2. C. A., arrêt n° 4081, 24 novembre 2009, Jean de Dieu Mulikuza contre la Société Nationale d’Électricité (SNEL) et RDC Quand le juge refuse de protéger contre la discrimination
En RDC, la facturation du courant électrique varie d’une région à une autre du pays sans raison objective et raisonnable. Par son arrêt du 24 novembre 2009, la Cour d’appel de Bukavu considère que le requérant n’est pas fondé à revendiquer une surfacturation comparativement aux autres abonnés de l’ouest du pays. La Cour se base sur l’existence d’un contrat d’adhésion pour le débouter. En adoptant un tel raisonnement, la Cour d’appel consacre un traitement différencié entre les abonnés de l’Est et de l’ouest du pays. Le présent commentaire s’interroge sur le caractère objectif ou non d’une telle justification.
Cour d’Appel – matière civile – discrimination – surfacturation – contrat d’adhésion – SNEL – arts 12 et 13 de la Constitution

3. C.A., arrêt n° RCDC 015, 09 août 2018, X contre Commission électorale nationale indépendante
La mise en oeuvre du droit à l’information par le juge électoral congolais Par sa décision du 09 août 2018, la Cour d’appel de Bukavu juge que l’obligation d’informer le candidat des irrégularités lors du dépôt de la candidature n’est pas opposable à la Commission électorale nationale indépendante. Pourtant, la loi électorale prévoit cette obligation à son article 21 al.3. Ce commentaire s’interroge sur le bien-fondé d’un tel raisonnement par rapport au droit à l’information garanti par les textes des droits de l’homme.
Cour d’appel — matière électorale — droit à l’information - alignement multiple - art. 21 de la loi électorale — art. 19 du PIDCP